Le Japon et l’Axe : une alliance imparfaite
Dans les années vingt et les années trente, des régimes autoritaires plus ou moins fascisants se mettent en place en Europe. La montée des partis «fascistes» et autres mouvements autoritaires ne concernent pas uniquement les vaincus du premier conflit mondial comme l’Allemagne ou les pays issus de l’éclatement de la Double-Monarchie austro-hongroise. L’Italie, puissance victorieuse est d’ailleurs la première à ouvrir le bal dès 1922.
Cette montée en apparence irresistible contraste douloureusement avec la crise des démocraties parlementaires notamment en France.
Il n’était cependant pas dit qu’une complicité politique et idéologique était synonyme d’alliance militaire et diplomatique. En effet si une même idéologie peut favoriser une alliance, elle n’est pas la condition sine qua non comme le prouve l’Italie et l’Allemagne qui jusqu’en 1935 ne sont pas alliés.
Le 25 juillet 1934, des nazis autrichiens tentent de s’emparer du pouvoir en lançant un coup d’état contre le chancelier Dolfuss. Ce dernier est tué mais le pronunciamento échoue suite notamment à l’envoi par Mussolini de divisions au col du Brenner pour montrer clairement sa détermination à défendre le régime autoritaire de celui surnommé Millimeternich.
C’est la guerre d’Ethiopie en 1935/36 qui fait basculer l’Italie du côté allemand suite aux sanctions prises par la SDN et par le refus de Paris comme de Londres de laisser Rome occuper impunément l’un des rares pays africains indépendants.
Une alliance germano-italo-japonaise ne coule donc pas de source car si les trois pays partagent une idéologie ou du moins des régimes politiques approchants, il faut aussi tenir compte du rapport de forces ainsi que l’intérêt de chaque pays à coopérer.
Le rapprochement entre allemands et japonais à lieu à partir de 1936 avec la signature le 25 novembre 1936 du pacte antikomintern. Officiellement dirigé contre la IIIème Internationale, c’est en réalité une alliance contre l’URSS. La preuve est qu’une clause secrète prévoit une assistance automatique en cas d’attaque de l’URSS contre l’un des deux pays signataires.
Cette alliance marque la fin de l’aide militaire allemande à Tchang-Kaï-Chek, Hitler stoppant l’envoi de missions d’assistance militaire, rompant ainsi avec une politique initiée par la république de Weimar.
En 1936, cette alliance (à laquelle se joint bientôt l’Italie_6 novembre 1937_, la Hongrie en janvier 1939 et l’Espagne en mars de la même année ) profite surtout au Japon qui se sent à tort ou à raison menacé par une attaque soviétique en Mandchourie.
Elle ne débouche pas sur une alliance militaire pérenne avec concertation stratégique, échange d’informations sensibles ou réalisation de plans de bataille communs.
Ce pacte anti-kommintern est d’ailleurs sérieusement remis en doute par la signature le 23 août 1939 du pacte germano-soviétique puis en avril 1941 d’un pacte de non-agression entre l’URSS et le Japon.
Quand le second conflit mondial éclatera, les allemands et les japonais échangeront quelques informations, des technologies militaires ou des matériaux stratégiques introuvables en Europe mais l’alliance germano-nippone s’arrêtera là.
C’est ainsi que Berlin n’informera pas Tokyo du déclenchement de l’opération Barbarossa le 21 juin 1950, réponse du berger à la bergère, Tokyo ne daignant pas avertir Berlin du déclenchement de sa guerre dans le Pacifique.
De toute façon, l’engagement japonais massif dans le Pacifique et en Asie du Sud-Est aurait rendu bien difficile une opération commune contre Vladivostok, opération sugérée par les allemands mais qui n’avait aucun intérêt pour les japonais.
Les relations entre l’Italie et le Japon seront pour ainsi dire inexistantes, aucun intérêt commun ne liant Tokyo et Rome.
Les alliés mineurs
Thaïlande
Siam jusqu’en 1939, le royaume de Thaïlande (Prahet Thaï _le pays de tous les thaïs_) est l’un des rares pays d’Asie à échapper à la colonisation européenne même si comme nous le verrons il va y laisser des plumes.
La région est peuplée essentiellement par des khmers et des birmans jusqu’au Xème siècle quand les thaïs venus du sud de la Chine s’installent dans la région. Plusieurs royaumes émergent, dominant une région bien plus vaste que la Thaïlande actuelle.
Puisqu’il faut fixer une date, nous dirons 1292, date reconnue en Thaïlande comme l’acte de naissance de la nation. En 1767, une invasion birmane provoque la chute d’une dynastie au pouvoir depuis le 16ème siècle.
En 1782, un coup d’état militaire porte au pouvoir le roi Rama 1er, premier roi de la dynastrie Chakri, dynastie qui règne encore aujourd’hui sur le pays.
A l’époque le pays connu sous le nom de Siam est bien plus vaste qu’actuellement avec notamment le contrôle d’une grande partie de la péninsule malaise et d’une partie de la Birmanie sans compter le Laos et le Cambodge.
Cela ne va pas durer car l’arrivée des puissances coloniales européens provoque le grignotage progressif du territorie thaïlandais à l’ouest par la Grande-Bretagne et à l’est par la France. A l’ouest, la Birmanie est mis sous la coupe britannique tout comme la péninsule malaise dont le Siam ne contrôle bientôt qu’une infime partie.
A l’est, la France s’empare du Tonkin _territoire sous protectorat siamois_ pour consolider son emprise sur le futur Vietnam. C’est ensuite le contrôle du Cambodge et du Laos qui bien qu’intégrés à l’Union Indochinoise sont des protectorats et non des colonies stricto sensu.
Au final le Siam perd 456000 km² entre 1867 et 1909, parvenant néanmoins à préserver son indépendance. Les nationalistes thaïs mettent cela sur le compte de la culture et des réformes entreprises par la dynastie Chakri mais on peut aussi y voir la volonté de Paris et Londres de se ménager un état-tampon à une époque où une alliance franco-britannique ne coule pas de source.
Quand le premier conflit mondial éclate en août 1914, le Siam qui n’à rien à y gagner rester neutre mais change d’avis au printemps 1917 quand les Etats-Unis rentrent en guerre.
Bangkok décide de déclarer la guerre à l’Allemagne et à l’Autriche-Hongrie le 22 juillet 1917 peu après moins pour des contentieux coloniaux et commerciaux que pour espérer obtenir l’abrogation des traités inégaux signés au XIXème siècle qui avaient entraîné des pertes territoriales colossales et avait surtout obligé le Siam à accorder un statut d’extra-territorialité aux citoyens français, britanniques et américains.
L’apport siamois est naturellement symbolique avec la saisie de onze navires allemands présents dans les ports du pays, l’envoi de 95 élèves pilotes, d’infirmières et surtout de 1284 soldats en France. Leur rôle est assez limité ce qui n’empêche pas les pertes, dix-neufs soldats siamois ayant été tués sur le front occidental. Le 14 juillet 1919, le contingent siamois participe au défilé de la victoire.
Quoi qu’il en soit, cette action symbolique permet au royaume du Siam de participer à la conférence de Paris, de signer le traité de Versailles mais également d’être considéré comme un membre fondateur de la Société Des Nations.
De plus, le pays obtient non seulement la saisie des avoirs allemands ainsi que la fin des traités et conventions signés avec Berlin mais également la fin des statuts d’extra-territorialité concernant les Etats-Unis (septembre 1920), la France (février 1925) et la Grande-Bretagne (juillet 1925).

Plaek Phibunsongkhram le nouvel homme fort de la Thaïlande à partir de 1932
Le 24 juin 1932, un coup d’état militaire permet le passage du Siam de la monarchie absolue à celui de monarchie constitutionnelle.
Dans cette époque politiquement troublée, les idées autoritaires en vogue en Europe font des émules en Asie du Sud-Est. Phibbun l’âme du coup d’état de 1932 est ainsi un admirateur de Mussolini et derrière la figure du roi, se dessine une véritable dictature militaire.
A cette idéologie autoritaire s’ajoute un nationalisme exacerbé qui entraîne des tensions avec la Grande-Bretagne et la France même si Paris comme Londres craignent moins une attaque thaï qu’un basculement de Bangkok du côté du Japon.
En 1939, le Siam devient la Thaïlande ce qui signifie «le pays des thaïs», ce changement d’appellation est plus que de la cosmétique puisqu’elle permet d’envisager la réunion dans un seul pays tous les habitants de l’ethnie thaï qu’ils habitent au Laos, au Vietnam, au Cambodge, dans le nord de la Malaisie ou même en Birmanie. Cela excluait également les chinois.
En septembre 1939, quand la guerre de Pologne éclate, la Thaïlande se contente de prendre acte de l’état de guerre entre la France, la Grande-Bretagne et l’Allemagne mais veille à faire respecter strictement sa neutralité, fermant du 5 septembre au 17 septembre ses ports aux navires des pays belligérants.
La Grande-Bretagne proteste vigoureusement d’autant que cette fermeture permet aux armateurs japonais de tailler des croupières aux armateurs britanniques jusqu’ici tous puissants dans la région. Elle réclame des dédomagements mais Bangkok fait la sourde-oreille.
A partir de septembre 1942, la Thaïlande se rapproche ostensiblement du Japon. On ne parle pas encore d’alliance en bonne et due forme mais l’idée d’un pacte d’alliance diplomatique et militaire entre Bangkok et Tokyo fait peu à peu son chemin.
Néanmoins cette alliance ne fait pas l’unanimité dans les sphères dirigeantes thaïlandaises. Si les pro-britanniques ou pro-français sont peu nombreux, les plus prudents craignent de perdre plus que de gagner dans cette alliance et l’avenir leur donnera raison.
Pour rendre cette alliance désirable, Bangkok effectue de gros efforts en matière militaires en se dotant d’une marine puissante (tout est en relatif même si la marine royale thaïlandaise aligne deux cuirassés garde-côtes, deux croiseurs antiaériens, neuf torpilleurs et quatre sous-marins), en équipant son aviation d’avions modernes d’origine occidentale et japonaise.
Elle améliore également l’équipement et l’entrainement de son armée de terre même si elle échoua à acquérir des chars modernes, la Grande-Bretagne et la France refusant l’exportation, l’Allemagne n’ayant pas les moyens d’exporter alors que le Japon peine déjà à équiper ses propres unités. Les effectifs passent de 60000 hommes en 1940 à 90000 hommes en 1948, les effectifs devant passer à 110000 hommes au printemps 1950.
Cette politique entraîne des investissements importants côté français comme côté britannique, les premiers renforçant les FNEO avec un porte-avions léger, deux croiseurs, des torpilleurs et des sous-marins, envoyant une «division blindée» appelée Groupement Mécanisé Colonial (GMC) et en équipant ses unités de chasse d’avions en voie de déclassement en Europe comme le Dewoitine D-520 mais encore tout à fait valables sur ce théâtre d’opérations.

Le Dewoitine D-520 est en voie de déclassement en Europe à partir de 1945 mais il est jugé toujours valable pour opérer en Asie du Sud-Est
Côté britannique, c’est l’édification d’une ligne fortifiée à la frontière entre la Malaisie et la Thaïlande, le déploiement de bombardiers lourds, le renforcement des unités de l’armée de terre ainsi que leur «jaunissement» pour réduire le fardeau de l’homme blanc.
Cette action/réaction aurait du conduire Bangkok à temporiser, à choisir une neutralité plus ou moins bienveillante vis à vis des alliés mais c’est le contraire qui est choisit. Le 14 juin 1947, un pacte d’alliance nippono-thaïlandais est signé entre les deux pays, promettant assistance diplomatique, économique et militaire même si les fruits seront maigres.
Cette alliance oblige la France comme la Grande-Bretagne à revoir leur stratégie en cas de guerre contre le Japon. Même si ils se faisaient peu d’illusions, les alliés espéraient une neutralité stricte de la Thaïlande pour rendre la tache du Japon moins évidente.
Côté japonais, cette alliance est vue comme allant de soi. L’arrogance et le mépris des militaires japonais vis à vis des militaires thaïlandais ne tarde pas à ruiner les cadres les mieux disposer à leur égard.
Là où Phibbun espérait un traitement équitable des troupes thaïlandaises, le commandement japonais n’assigne à ces forces que des missions secondaires ce qui n’améliore pas la motivation de troupes pas toujours bien commandés et ne bénéficiant pas toujours de moyens suffisants et adaptés.
La marine subit de lourdes pertes sous les coups des FNEO et de la British Eastern Fleet, son aviation est également soumise à rude épreuve, peinant à remplacer ses avions.
Cela entraine critiques et récriminations des généraux japonais qui ne se remettent pas en cause, entrainant un véritable cercle vicieux.
En mars 1950, la tension entre la Thaïlande et les alliés est à son comble. Les incidents de frontière se multiplient, menaçant de dégénérer en une véritable guerre mais Paris comme Londres préfèrent temporiser pour éviter de donner un prétexte au Japon d’entrer en guerre et de faire passer les occidentaux comme des agresseurs.
Quand le Japon entre en guerre et attaque l’Indochine, la Thaïlande envahit le Cambodge pour s’emparer de provinces ayant apparu au Siam mais ces troupes s’emparent du Cambodge c’est moins par l’efficacité de leur attaque que parce que les forces françaises en Indochine doivent faire face à des attaques japonaises autrement plus violentes. Face à l’armée thaïlandaise, les forces françaises se contentent de mener des combats retardateurs.
Sur le front malaisien, les thaïlandais se contentent de couvrir la frontière et de protéger les lignes de communication japonaises. Leur rôle est plus important sur le front birman mais l’armée thaïlandaise n’y brille guère.
En juillet 1952 à l’issue de combats violents, la Grande-Bretagne libère la Birmanie de l’emprise nippone. Les troupes du Mikado se replie vers l’Indochine, laissant une trainée sanglante sur leur passage, multipliant les exactions contre la paysannerie locale qui se révolte obligeant l’armée thaïlandaise à mener une violente répression.
La Thaïlande se rend alors compte de son erreur de considérer que le Japon était un allié fiable, un allié fidèle. Tokyo fait la sourde oreille aux demandes de Bangkok d’éliminer la base Epervier qui non contente de bombarder Hanoï et Haïphong, effectue quelques missions contre la Thaïlande, des bombardiers français frappant Bangkok à plusieurs reprises.
La riposte thaï est d’autant plus difficile que certains hauts-fonctionnaires présents dans le nord du pays n’hésitent pas à jouer la carte de l’alliance française soit par réelle conviction soit par appat du gain.
La suite est connue. Le pays bien mal payé de son alliance avec le Japon subit de plein fouet les bombardements anglais venus d’Inde. L’économie tourne au ralenti, l’agitation politique reprend en attendant le retour de baton allié.
Ce dernier arrive en mars 1953 avec l’opération Overlord destinée à s’emparer du Cambodge, de dégager le Laos et de s’emparer de toute l’Indochine pour isoler les forces japonaises présentes en Malaisie et dans les Indes Néerlandaises.
Comme souvent le comportement des troupes thaïlandaises est variable allant de la rédition quasi-immédiate à des combats acharnés notamment pour la défense de Bangkok mais dès le mois de mai, l’essentiel de la Thaïlande est sous le contrôle allié. Les dernières troupes thaïs se rendent début juillet.
La Thaïlande est occupée militairement jusqu’en 1960, le roi Rama IX est «excusé» par le proconsul allié, le général Noguès. Un gouvernement pro-occidental et anticommuniste est mis en place et désormais Bangkok va devenir un allié de poids pour les occidentaux dans la région, jouant un rôle clé dans les deux guerres du Vietnam mais ceci est une autre histoire.
Mandchoukhouo

Drapeau du Mandchoukouo.
Le 18 septembre 1931, l’armée du Kwantung organise un attentat contre le Transmandchourien, cet «incident de Moukden» qui est le prétexte tout trouvé pour permettre au Japon d’arracher la Mandchourie à la Chine.
Cette agression fait scandale mais les réactions étrangères sont diplomatiques et non militaires, encourageant le Japon à aller toujours plus loin.
Pour déguiser cette véritable annexion, le gouvernement japonais fait de la Mandchourie un état-fantoche baptisé Mandchoukhouo. Créé le 18 février 1932, cet état d’1133437 km² (deux fois la France) et de 30 millions d’habitants est placé sous l’autorité du dernier empereur de la dynastie Quin, Pu-Yi d’abord gouverneur puis empereur.

Pu-Yi
En réalité, c’est le Japon qui contrôle tout. La Mandchourie doit devenir une colonie industrielle et agricole pour permettre à Tokyo d’engager avec plus de sérénité une guerre contre l’URSS et contre les Etats-Unis.
En 1934, la SDN condamne cette annexion ce qui encourage le Japon à quitter la Société des Nations. Quelques pays reconnaissent le Mandchoukhouo en l’occurrence le Salvador, le Vatican, l’Espagne, l’Allemagne, l’Italie, la Hongrie, la Slovaquie, la Roumanie, la Bulgarie et la Finlande.
Cet état était divisé en quatorze provinces et deux municipalités spéciales (la capitale Chengchu/Xinjing et Harbin) puis en 1939 dix-neuf provinces et une seule municipalité spéciale en l’occurence celle de Chengchu.
Qui dit état dit armée même si son rôle ne peut être que limité. Les premières troupes du nouvel état sont 60000 hommes ayant déserté de l’armée du Kuomintang autant dire des troupes mal entraînées, mal équipées et peu fiables, beaucoup désertant à nouveau pour rejoindre la nébuleuse des opposants au contrôle japonais de la Mandchourie.
Peu à peu les japonais vont mettre sur pied une armée plus efficace pour soulager leurs propres forces en vue du conflit majeur à venir.
Les uniformes sont inspirés de ceux de l’armée japonaise, l’armement hétéroclite (pas moins de 26 type différents de fusils et de 20 types de pistolets !) est peu à peu uniformisé.
Sur le plan des structures, l’armée impériale du Mandchoukhouo aligne cinq armées de district qui disposent au total de vingt-six brigades mixtes (infanterie) et six brigades de cavalerie.
Cette organisation évolue jusqu’au début du second conflit mondial avant une armée organisée en mars 1950 en huit divisions d’infanterie, sept divisions de cavalerie, plus des brigades d’infanterie et de cavalerie indépendantes.
L’armement n’évolue guère, l’armée japonaise étant prioritaire pour les livraisons, l’armée du Mandchoukhouo restera toujours désespérément sous-équipée en terme d’armes légères, d’artillerie mais également de camions et de véhicules, récupérant sur l’ennemi chinois des armes et des véhicules immédiatement retournés contre leurs anciens propriétaires.
Aux côtés de l’armée de terre, on trouve une petite marine essentiellement destinée à patrouiller sur les fleuves mandchoues avec plusieurs canonnières. Au niveau océanique, on trouve un ancien destroyer japonais et des navires légers.
Cette marine connait une histoire compliquée. Créée le 15 avril 1932, elle est dissoute en novembre 1939, intégrée sous la forme d’une flottille au sein de l’armée de terre. Elle renait en septembre 1943 sous une forme indépendante.
Pu-Yi est alors ambitieux rêvant d’une marine capable d’opérer de manière indépendante avec des croiseurs, des destroyers, des torpilleurs et des sous-marins.
Il doit vite rabattre en terme d’ambitions, la marine du Mandchoukouo n’allant jamais aligner que des canonnières fluviales, des torpilleurs, une poignée de destroyers et des navires auxiliaires, de quoi juste assurer la protection des côtes de «l’empire mandchou».
Cette marine subira de lourdes pertes sous les coups des sous-marins américains puis de l’aviation soviétique, les rares navires encore à flot se ralliant aux nationalistes peu avant la capitulation japonaise.
Une force aérienne du Mandchoukhouo est créée sur le papier en 1932 mais dans les faits il faut attendre février 1937 pour que cette armée de l’air gagne en consistance. Les pilotes sont d’abord japonais avant qu’en février 1940 les japonais autorisent la formation de pilotes appartenant à l’ethnie mandchoue.
Les moyens sont limités même si au milieu des années quarante, l’armée de l’air mandchoue aligne une centaine d’appareils, principalement des chasseurs Nakajima Ki-27 et des bombardiers Kawasaki Ki-32. Elle réclame rapidement des avions plus modernes mais n’étant pas prioritaire, les avions modernes arrivent au compte-goutte.
Le niveau chute rapidement, la faute au manque de carburant, de pièces détachées et le départ d’officiers japonais qui assuraient un rôle important notamment dans la planification et la conduite des opérations.
Elle tente une résistance désespérée lors de l’opération Boxer puis lors de l’invasion de la Mandchourie par l’URSS mais n’est capable que de retarder l’ineluctable. Les derniers avions disponibles sont détruits au sol à la mi-août.
On trouve également une garde impériale destinée à protéger l’empereur Pu-Yi. Outre une force de cérémonie de 200 hommes, on trouve un corps d’intervention spécial destiné à des opérations de pacification.
L’état fantoche du Mandchoukouo est formellement dissous le 4 septembre 1954 au moment de la capitulation japonaise.
Les gouvernements collaborateurs
Comme les allemands en Norvège et au Danemark, le Japon ne va pas tarder à établir des gouvernements collaborateurs pour donner une façade présentable à leur occupation, à la répression endémique et au pillage des ressources.
Il s’agit également de réduire le fardeau qui repose sur le Japon, alléger les besoins en terme d’administration et de répression «basse intensité» pour permettre au Japon de se concentrer sur la défense de la «sphère de coprospérité».
Le gouvernement national réorganisé de la République de Chine est créé le 30 mars 1940 sous la direction de Wang Jingwei, un ancien rival du Tchang-Kaï-Chek pour la direction du Kuomintang. Il s’installe à Nankin d’où le nom souvent donné de gouvernement de Nankin.
Il succède à plusieurs gouvernements locaux mais son autorité sur la Chine conquise par les japonaises est symbolique et d’autant plus limitée qu’un gouvernement pro-japonais à autorité sur la Mongolie intérieure ainsi qu’un autre gouvernement qui «dirige» la région de Pékin.
Ce gouvernement est reconnu par l’Allemagne et ses alliés à l’automne 1941 mais jamais par les puissances occidentales pour qui le seul gouvernement chinois légitime était le gouvernement de Tchang-Kaï-Chek.
Des forces armées sont mises sur pied à partir du printemps 1943 mais leur niveau les limita à des opérations de repression et de police.
Le rêve de Wang Jingwei de voir ses troupes combattrent les britanniques et les américains se fracassa sur la réalité de troupes peu sûres, mal entrainées, mal équipées, les japonais se méfiant de cette armée composée de déserteurs de l’ANR ou de troupes issues de seigneurs de la guerre.
Ce gouvernement qui à autorité sur une bonne partie du territoire chinois à partir de 1943, s’installant à Pekin à partir de septembre 1944 _un acte plus symbolique qu’efficace_ est un véritable ectoplasme, disparaissant au printemps 1954 presque sans bruit.
Wang Jingwei capturé par les américains en mars 1954 est livré à Tchang-Kaï-Chek. Au terme d’un procès baclé, il est exécuté le 7 juin 1954.
Quand à ses troupes, elles se rallient soit au gouvernement nationaliste, soit aux japonais ou se liquéfient dans la nature, formant comme souvent dans l’histoire des bandits de grand chemin terrorisant les campagnes.
Un autre gouvernement collaborateur est mis sur pied en Birmanie avec des nationalistes birmans qui voient dans cette occasion la possibilité de se libérer du joug britannique. Ba Maw devient le chef de ce gouvernement fantoche le 7 avril 1951, trois semaines après la prise de Rangoon par les troupes japonaises.
Dans un premier temps, ce gouvernement avait un rôle comparable au gouvernement collaborateur chinois à savoir l’administration de la Birmanie occupée (ou libérée selon les points de vue) par les japonais ainsi que la répression.
Cependant contrairement à la Chine de Wang Jingwei, le Japon avait le projet de donner l’indépendance à la Birmanie, une indépendance évidement sous contrôle nippon mais nécessaire pour donner un peu de corps et de substance au projet de sphère de coprospérité.
Ce projet était censé aboutir après guerre mais devant l’évolution défavorable du conflit, le Japon soucieux de se ménager le soutien des nationalistes birmans proclame l’indépendance birmane le 1er janvier 1952.
Une indépendance fêtée à leur manière par les britanniques qui lancent un raid dévastateur sur Rangoon le 2 janvier 1952, raid prélude à une offensive aérienne majeure contre la Birmanie, chasseurs bombardiers, avions d’attaque et bombardiers lourds s’attaquant aux villes, aux positions militaires japonaises mais également aux infrastructures de transport.
Cette offensive va préparer la reconquête de la Birmanie, reconquête entamée en février et qui s’achève en juillet 1952.
Le gouvernement de Ba Maw chute en juin 1952, un gouvernement rapidement discrédité, vite vu comme la marionette des japonais y compris certains nationalistes comme Aung San qui entra en rébellion en mai, se ralliant aux alliés et aux communistes birmans, lui permettant de devenir l’unique représentant autochtone discutant avec les alliés, en dépit d’un passé chargé.
Le conflit terminé, le gouvernement de Aung San est remplacé par un gouvernement moins compromis avec les japonais, gouvernement qui obtient l’indépendance dès 1958 avec une fédération censée préserver les intérêts de toutes les ethnies même si dans les faits, cela sera bien différent.
D’autres gouvernements collaborateurs sont mis sur pied aux Philippines et aux Indes Néerlandaises mais ces gouvernements n’auront aucun pouvoir réel,leur rôle se limitant à l’administration et à la répression. Ils sont apparus comme ils ont disparu, en toute discrétion.
Un gouvernement indien en exil dirigé par Subash Chandrah Bose fût mis sur pied en mars 1951 à une époque où la conquête de l’Inde paraissait possible. Ce gouvernement installé à Rangoon leva une petite armée qui opéra en Birmanie avec la XIVème Armée japonaise mais connu un échec en juin 1951.
Ce gouvernement resta implanté à Rangoon avant de se replier en Thaïlande puis à Formose où il fût surpris par l’opération Boxer. Ne disposant de plus aucune troupe, sans aucune autorité légale, ce gouvernement fantoche disparu dans les tourments de la conquête américaine de l’île, son chef disparaissant dans un accident d’avion en août 1954 même si en l’absence de corps, on spécula sur une éventuelle survie.