GEOPOLITIQUE DU JAPON
Avant-Propos
En septembre 1948, quand le second conflit mondial éclate en Europe, le Japon est la puissance majeure en Asie du Nord-Est et même en Asie en général.
Outre le Japon métropolitain, Tokyo domine une grande partie de la Chine et notamment la «Chine utile» plus ou moins bien contrôlée et exploitée. A cela s’ajoute l’île de Formose conquise en 1895 à l’issue de la première guerre sino-japonaise ainsi que la Corée censée être un protectorat mais qui devient une simple colonie, l’annexion étant officielle en 1910.
Choisissant le camp allié en 1914, le Japon récolte les fruits de cette alliance en récupérant les colonies allemandes du Pacifique via des mandats de la SDN notamment les archipels des Marshall, des Carolines et des Mariannes.
Théoriquement ces territoires ne peuvent être fortifiés mais dans la pratique, le Japon passera outre et considéra ces territoires comme de nouvelles colonies.
Tout en récoltant le fruit de son alliance avec la Grande-Bretagne, le Japon se montre déçu pour ne pas dire furieux des résultats du traité de Versailles et plus encore du traité de Washington qui stoppe son expansion navale. S’estimant victime d’une conspiration anglo-saxonne, le Japon choisit la voie ultra-nationaliste et relance ses projets d’expansion coloniale.
Pour mener une telle politique, il faut un corpus idéologique en l’occurrence le hakko ichi’u (les huit coins du monde sous un seul toit) qui préconise une expansion coloniale en Asie pour favoriser la «race» nippone, race supérieure à toutes les autres en Asie car représentée par un empereur, dieu sur terre.
Ce courant philosophique associé à une vision biaisée de la voie du bushido forme un cocktail détonnant puisque l’ennemi qu’il soit occidental ou chinois devient une bête (Ki Chihu),cette déshumanisation de l’ennemi favorisant les crimes de guerres, les massacres, les viols voir pire les expérimentations abominables de l’unité 731 en Mandchourie.
Une propagande intensive impose au peuple japonais cette idéologie qui doit permettre aux forces nippones de triompher.
Le Japon rêve à partir des années trente de constituer une sphère coprospérité, se voyant comme le leader des peuples asiatiques qui ploient sous la férule occidentale, des peuples à libérer et à mener vers la civilisation.
En réalité, le Japon ne rêve que se tailler un empire colonial au détriment des puissances occidentales, un empire qui doit lui permettre de mener une guerre longue contre les Etats-Unis.
Il n’est pas question d’une quelconque libération, c’est plutôt un nouvel asservissement dont la dureté fera regretter à certains colonisés la férule occidentale. Ces territoires ne sont voués qu’à être exploités au profit du Japon et par tous les moyens y compris les plus extrêmes.
Bien entendu pour la forme, on met en place des gouvernements collaborateurs mais comme dans les pays occupés par l’Allemagne (Norvège, Pays-Bas, Belgique), ces gouvernements sont dépourvus du moindre pouvoir, n’étant là que pour satisfaire l’ambition personnelle de quelques politiciens et donner une façade plus présentable à une occupation de plus en plus dure.
En dépit de cette volonté, il n’y aura pas de politique suivie et cohérente vis à vis des colonies, le Japon hésitant entre une fermeté implaccable et une forme _tout est relatif_ de colonialisme acceptable.
Cette hésitation s’explique à la fois par le contexte (la guerre impose nombre de contraintes), l’idéologie ultra-nationaliste et un mépris à peine dissimulé vis à vis des autres races asiatiques jugées inférieures.
Sur le plan international, le Japon perd son alliance avec la Grande-Bretagne (signée en 1902) en 1922 quand Londres sacrifie cette alliance moins utile qu’auparavant (c’était un moyen pour la Royal Navy de concentrer ses moyens en Europe, laissant Tokyo s’occuper d’un éventuel conflit avec la Russie qui n’est pas encore alliée à la Grande-Bretagne) au profit d’une communauté de culture avec les Etats-Unis.
L’évolution idéologique favorise le rapprochement avec l’Allemagne et l’Italie qui ont basculé respectivement en 1933 et en 1922 dans des régimes fascistes. En réalité comme le verrons plus en détail, ce rapprochement sera limité et les intérêts divergents des signataires limiteront fortement la coopération entre Berlin, Rome et Tokyo.
Le Japon s’oppose clairement aux puissances occidentales fortement implantées en Asie via des colonies peuplées mais mal exploitées, ces colonies étant plus des fournisseurs de matières premières plutôt que de véritables «colonies industrielles» pour ne pas concurrencer la métropole.
Il ne peut donc y avoir d’accord durable entre Tokyo et Paris, entre Tokyo et Londres, entre Tokyo et Washington ou encore entre Tokyo et La Haye. Des tensions régulières sont parsemées les années quarante avant d’aboutir au conflit que l’on connait.
Ce conflit va créer une fraternité d’armes entre soldats blancs et coloniaux mais n’ira pas jusqu’à préparer une fusion totale et complète. Trop de rancoeurs, trop de violence, trop de dureté n’ont pu être totalement effacées même si l’occupation japonaise à rendu la colonisation occidentale presque douce.
Cette occupation allait aboutir après guerre aux indépendances des différentes colonies non sans difficultés mais de façon plus tranquille car les occidentaux ici n’ont pas perdu la face, se battant bravement contre le Japon, le Blanc souffrant pour des territoires qui ne lui appartenait pas.
Voilà pourquoi encore aujourd’hui des pays puissants et prospères comme le Vietnam, le Cambodge, le Laos, la Malaisie, Singapour et l’Indonésie conservent de bonnes relations avec leurs anciennes puissances coloniales mais ceci est une autre histoire…….. .
Le Japon et l’Occident : des relations tendues
En guise d’avant-propos
Comme nous l’avons vu plus haut, le Japon entretient avec l’occident une relation ambivalente et ambigüe. Forcé de s’ouvrir par les canons de l’US Navy, le Japon n’à pas oublié cette façon de faire et gardera toujours une forme de rancune.
De l’autre côté, ils savent gréé à l’occident de lui avoir ouvert l’accès aux techniques et technologies modernes, permettant au pays du soleil levant de ne pas connaître le sort de la Chine même si les différentes puissances occidentales n’ont jamais fait montre vis à vis du Japon du même intérêt que pour la Chine.
Un temps se dévellopa au Japon l’idéologie de l’asiatisme, une idéologie faisant du Japon le leader du monde asiatique mais cette idéologie si elle connait un certain succès n’entraîna pas de rupture avec les puissances occidentales.
Les relations avec la France, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas et les Etats-Unis ne seront pas de même nature et varieront en terme d’hostilité et d’intensité des grises même si toutes les colonies occidentales seront frappées par la machine de guerre nippone qui cherche à s’emparer des richesses de ces colonies.
Relations franco-japonaises

Louis Emile Bertin
Les relations entre Paris et Tokyo sont anciennes puis-qu’à la fin du 19ème siècle (octobre 1885-mars 1889) l’ingénieur naval Emile Bertin s’est rendu au Japon pour participer à la construction d’une puissante marine de guerre, créant notamment l’Arsenal de Yokosuka.

Yokosuka Kaïgun Kosho
A côté d’autres missions concernant l’armée de terre, la France va donc jouer un rôle non négligeable dans la constitution des forces armées japonaises même si in fine, l’armée de terre sera plus influencée par la Prusse et la marine par la référence mondiale à savoir la Grande-Bretagne.
Au début du vingtième siècle, les relations franco-nippones sont cordiales, sans animosités, la faute sans doute à l’absence de contentieux frontaliers, politiques ou économiques entre les deux pays même si la France comme le Japon s’intéresse de près au gâteau chinois.
Durant le premier conflit mondial, le Japon combat dans le même camp que la France, fournissant même à la Royale douze torpilleurs pour lui permettre d’assurer des missions d’escorte.
Les relations commencent à se dégrader à mesure que le Japon se militarise et se totalitarise. La métropole française est à l’abri des menées japonaises mais pas l’Union Indochinoise, entitée regroupant le Vietnam (Tonkin/Annam/Cochinchine), le Cambodge et le Laos.
Ce territoire intéresse les japonais pour plusieurs raisons. La première c’est la possibilité d’isoler la Chine du monde extérieur même si quand l’offensive sera déclenchée au printemps 1950, cet isolement était pour ainsi dire réaliser, le Japon occupant tout le sud du défunt empire du milieu, quelques enclaves chinoises étant présentes ça et là.
La seconde est économique puisque l’Indochine renferme des richesses utiles pour une économie en guerre comme le riz, le charbon, du minerai de fer. Une industrie à commencé à se développer qui pourrait être utile.
La troisième est militaire puisque la conquête de toute l’Indochine ouvrirait le Japon sur la Birmanie et renforcerai la pression sur la Thaïlande qui se révéla être un allié inconstant et peu efficace. La prise de la base navale de Cam-Ranh ainsi que des aérodromes permettrait aux forces armées japonaises de dominer le Golfe de Thaïlande.
La France est parfaitement consciente de ces menaces tout comme de la quasi-impossibilité de repousser une invasion japonaise menée par des moyens navals, aériens et terrestres importants.
Un temps, elle à espéré que la Chine puisse résister suffisamment longtemps pour détourner la force japonaise du Tonkin, de l’Annam et de la Cochinchine mais hélas, le Kuomintang n’à pas réussi à tenir et en mars 1950, la Chine pour ainsi dire hors-jeu.
Paris n’à pas attendu la défaite quasi-définitive de la Chine pour se préoccuper de renforcer ses défenses en Indochine tout en sachant que ses efforts ne pourront être que limités, la priorité étant l’Europe et la défense de la Métropole.
Une ligne fortifiée baptisée Ligne Doumer (du nom d’un ancien président de la république et d’un ancien gouverneur général de l’Indochine) couvre les approches entre Hanoï et Haïphong. A son extension maximum, elle atteindra Hoa Binh soit une longueur de 172km.
Ces fortifications ainsi que celles couvrant Saïgon, la base navale de Cam-Ranh ou l’ancienne capitale impériale de Hué ne sont pas vues comme des murailles infranchissables mais plutôt comme un système pour user les troupes japonaises et compenser l’infériorité numérique des troupes françaises.
Ces troupes composées majoritairement d’indigènes avec un encadrement européen sont réorganisées, mieux équipées et mieux entraînées. Elles reçoivent (enfin) des chars et des véhicules blindés modernes même si le terrain indochinois se prête mal aux grandes chevauchées blindées-mécanisées.
L’aviation française en Indochine est modernisée avec des avions en voie de déclassement en Europe mais encore parfaitement valable sur le théâtre «Asie-Pacifique».
La marine effectue un gros travail en déployant un porte-avions léger, un croiseur lourd, un croiseur léger et d’autres unités légères.
Cette escadre est certes incapable de repousser la marine japonaise mais tout à fait capable de neutraliser la marine thaïlandaise ou représenter une menace non négligeable pour même une fraction de la marine nippone.

Carte de l’Union Indochinoise
Avec de tels moyens, la France espère tenir six mois à un an en Indochine, tenir le temps de pouvoir envoyer des renforts pour préserver cette colonie des griffes japonaises.
Côté japonais, ce renforcement n’inquiète pas les généraux nippons, persuadés de pouvoir l’emporter rapidement par une offensive terrestre depuis la Chine conjuguée avec plusieurs débarquements amphibies sur les côtes vietnamiennes.
Si l’Indochine devait succomber sous les coups japonais, la France espère pouvoir maintenir une forme de résistance pour garder «un pied dans la porte». Le problème c’est l’absence d’une tradition de guérilla en France.
De plus l’Indochine est un pays complexe avec une multitude d’ethnies qui ne s’aiment guère entre elles, des sectes religieuses nationalistes qui n’aiment pas les français, les communistes…… . Le seul espoir des français c’est que les indochinois aiment encore moins les japonais que les français.
Dès l’automne 1948, la France décide d’implanter une base dans l’ouest de l’Indochine, sélectionnant le site de Dien-Bien-Phu à la frontière avec le Laos, cette base devant permettre de couvrir le Laos, le Yunnan voir la Birmanie.
Des postes de contrôle sont établis sur les sommets entourant la cuvette, une piste pour avions de transport, quelques bâtiments sont construits avec une garnison composée de troupes indigènes encadrés par des européens.
Quand le Japon attaquera, la base doit devenir une vrai forteresse, un point de fixation pour à la fois recueillir les troupes se repliant du Nord-Tonkin, bloquer l’avancée japonaise et servir de point de fixation pour les opérations futures.
L’idée est donc de «mettre le bordel» en Indochine, en s’appuyant sur des ethnies favorables et sur le fait que les japonais dont on pense l’occupation sera violente et rapidement impopulaire. La question de l’après-guerre se pose déjà mais sans qu’une décision claire soit prise entre indépendance, très grande autonomie ou maintien du statu quo.
Relations nippono-britanniques
Quand le Japon décidé de s’ouvrir au monde en 1868, la Grande-Bretagne fait figure de modèle majeur et dominant pour une élite japonaise avide de savoir et de connaissances.
En effet, à l’époque la Grande-Bretagne est encore la puissance industrielle dominante, le berceau de la première révolution industrielle celle du charbon et de l’acier.
De plus, la Royal Navy est le modèle à suivre pour tout pays voulant se dôter d’une puissante marine.
Les relations entre la Grande-Bretagne et le Japon sont donc excellentes notamment à partir de 1902 quand une alliance politique et militaire en bonne et due forme est signée entre les deux pays.
Côté britannique, il s’agit de s’offrir un allié de revers contre une Russie qui n’est pas encore une puissance amicale (ce ne sera le cas qu’à partir de 1907) et qui est un rival en Asie centrale (le célèbre «Grand Jeu» de Kipling) mais également de pouvoir concentrer le corps de bataille en Europe pour faire face à une Allemagne qui développe une puissante marine de guerre sous l’impulsion d’un petit-fils de la reine Victoria, Guillaume II.
Côté japonais, l’alliance britannique est destinée à se prémunir d’une éventuelle attaque russe alors que les deux pays sont entrés en concurrence directe pour la Mandchourie. C’est ainsi qu’en 1904 quand le Japon entre en guerre contre la Russie, la Grande-Bretagne promet à Tokyo d’entrer en guerre si une puissance étrangère s’était engagée aux côtés de la Russie ce qui pouvait être l’Allemagne ou la France…… .
Cette alliance va être éphémère car le traité est dénoncé de facto en 1922 lors de la conférence navale de Washington qui voit la Grande-Bretagne faire alliance avec les Etats-Unis pour maintenir la suprématie anglo-saxonne sur les mers au détriment du Japon qui aurait légitimement réclamer la deuxième place du podium au détriment de Londres.
Pourquoi un tel revirement ? Tout simplement parce que pragmatiques les britanniques n’ont plus besoin de cette alliance. En effet, la Russie n’existe plus comme menace en Asie Centrale et la flotte allemande était au fond de l’eau.
Les relations anglo-nippone vont donc se dégrader mais sans atteindre le niveau d’acrimonie des relations américano-japonaises pour la simple et bonne raison que britanniques et japonais n’ont pas les mêmes intérêts.
Si les Etats-Unis sont les rivaux des japonais pour le contrôle du Pacifique, la Grande-Bretagne cherche à préserver ses colonies (Malaisie, Singapour, Indes, Birmanie) et à défendre les dominions dont le roi d’Angleterre George VI est le chef d’état (Australie Nouvelle-Zélande).
Alors pourquoi une guerre va-t-elle éclater entre les deux pays ? Tout simplement parce que les japonais convoitent les richesses des colonies britanniques qu’il s’agisse du caoutchouc, du riz ou même du pétrole de Malaisie. Ils doivent également se présenter comme les libérateurs de leurs «frères asiatiques» mais cette posture s’arrête où commence les actions.
Puissance impériale et mondiale, la Grande-Bretagne ne peut laisser ses colonies sans défense et entreprend le renforcement des moyens déployés à l’est d’Aden.
Après avoir aménagé une base parfaitement outillée à Singapour, la Grande-Bretagne améliore d’autres installations à Kuching et Alor Setar (Malaisie) ainsi qu’à Triconmalee sur l’île de Ceylan.
Curieusement, l’Inde pourtant joyau de l’Empire est le parent pauvre des travaux. Aucune base navale majeure n’est aménagée.
Des fortifications sont aménagées à la frontière entre la Malaisie et la Thaïlande pour bloquer moins une offensive thaïlandaise qu’une attaque japonaise depuis l’ex-Siam mais comme la ligne Doumer en Indochine, il ne s’agit pas d’un mur infranchissable mais plutôt d’une barrière pour ralentir le flot tempétueux.
En réalité, la Grande-Bretagne mise davantage sur ses moyens aériens et navals pour dissuader le Japon de l’attaque. Trois cuirassés et deux porte-avions doivent assurer la défense de la région en liaison avec les moyens de la Koninklijke Marine (trois croiseurs de bataille et un porte-avions léger).
Côté aviation, la RAF à déployé des chasseurs, des bombardiers moyens et lourds pour pouvoir attaquer la flotte japonaise mais également ses bases de départ notamment en Thaïlande.
Tout comme les français en Indochine, la Grande-Bretagne espère tenir six mois à un an pour pouvoir si le théâtre européen le permet envoyer des divisions en renfort ou mettre sur pied des divisions en Inde.
Côté japonais, le plan d’invasion de la Malaisie prévoit une offensive depuis la Thaïlande (quitte à tordre le bras de Bangkok) mais surtout des débarquements amphibies dans la péninsule voir à Kuching sur l’île de Borneo.
Une fois la Malaisie sous le contrôle japonais, l’objectif sera de s’emparer du «Gibraltar de l’Extrême-Orient» à savoir Singapour.
Un autre objectif majeur est la Birmanie, le grenier à riz de l’empire britannique et surtout place stratégique pour isoler définitivement la Chine et pour menacer l’Inde comme l’Océan Indien, une zone en théorie à l’abri de la marine japonaise.
Relations néerlando-nippones
En apparence rien ne prédestine le Japon et les Pays-Bas à entrer en guerre sauf que La Haye s’est lancée dans la colonisation dès le 17ème siècle via une compagnie commerciale à charge, la VOC (Vereenigde Oostindische Compagnie) créée en 1602 (et dissoute en 1799) qui se lança dans le commerce puis la colonisation de ce qui allait devenir les Indes Néerlandaises (l’actuelle Indonésie).
Cette compagnie va ainsi commercer avec la Chine, le Japon, occupant Ceylan jusqu’en 1795 mais surtout Java et ce qui allait devenir les Indes Néerlandaises, une entité artificielle et composite avec de multiples ethnies, de royaumes et de potentats locaux.
En 1795, la France du Directoire envahit les Provinces Unies. Le Stathouder se réfugie en Grande-Bretagne. Une république batave est proclamée qui en théorie continue de contrôler les futures Indes Néerlandaises même si dans la pratique, l’indépendance est quasi-totale.
En 1799, la VOC victime de corruption et d’une mauvaise gestion fait faillite, ces actifs étant récupérés par la république batave. Des territoires occupés par les britanniques sont récupérés à la paix d’Amiens en 1802 mais cette restitution est brève.
En 1810, Londres occupe les colonies néerlandaises qu’elle ne restituera au royaume des Pays-Bas qu’en 1816, le partage (au nord de Singapour pour l’Angleterre, au sud pour les Pays-Bas) étant définitivement validé en 1824, huit ans après la création des Indes Néerlandaises.
La colonisation n’est pas un long fleuve tranquille avec de multiples révoltes de rois et autres potentats locaux sur lesquels pourtant s’appuient les néerlandais pour contrôler le joyau de leur empire.
Des réformes sont menées à partir du début du XXème siècle (politique éthique) et en 1922, les colonies deviennent officiellement des territoires d’outre-mer. Trois ans plus tard, une constitution coloniale est mise en place.
Alors que le nationalisme monte, les néerlandais semblent hésiter entre un renforcement de l’autorité et une autonomie toujours plus large. Le pragmatisme est à l’ordre du jour sans politique clairement définie. On parle de réformes mais elles ne sont jamais mises en œuvre.
Pas étonnant que dans ces conditions l’asiatisme séduise des nationalistes javanais et que le Japon soit vu comme un possible «libérateur» de l’oppression batave. Un immense malentendu règne, malentendu que bien évidemment le Japon veille à ne pas balayer.
Après plusieurs décennies de sous-investissement militaire, les Pays-Bas effectuent un énorme effort au début des années quarante pour sécuriser les Indes Néerlandaises. Tout comme leurs voisins britanniques, ils améliorent l’entrainement de leurs troupes coloniales, modernisent leur équipement. L’armée de l’air envoie des avions plus modernes mais c’est surtout la Koninklijke Marine, la marine royale néerlandaise qui effectue un énorme effort.

Le HMS Colossus
En effet, la petite marine néerlandaise à déployé en Extrême-Orient trois croiseurs de bataille, un porte-avions léger type Colossus, six destroyers, six sous-marins et des navires de soutien. Des croiseurs légers et lourds sont également présents, rendant la conquête nippone pas impossible mais longue et coûteuse.
La logique aurait voulu une coordination entre Londres et La Haye mais mis à part des déclarations d’intention et quelques réunions entre hauts-gradés, rien n’est mis en place, chacun défendant ses intérêts.
Résultat quand le Japon attaquera au printemps 1950, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas sauront dans l’impossibilité de mener une riposte commune et surtout cohérente tant les non-dits et les intérêts particuliers sont légions.
La violence de l’attaque japonaise provoquera un vent de panique. Les chefs en place manqueront de lucidité et de self-control pour tenter de comprendre l’action nippone.
Les résistances seront essentiellement locales, résistances décuplées par les multiples crimes de guerre menés par les troupes japonaises notamment vis à vis des civils ou des prisonniers de guerre. Ce ressort n’à qu’un temps et les Indes Néerlandaises finiront par succomber à la tornade japonaise.
Les japonais vont s’empresser d’exploiter le précieux pétrole indonésien vital pour leur économie de guerre mais cela ne sera pas sans mal. Les facteurs sont multiples car si peu d’installations ont été sabotées (suite à une opération aéroportée audacieuse), le personnel fera preuve d’un manque de volonté évident (renforcé par les exactions), les spécialistes japonais manquent ainsi que les pétroliers pour ramener au Japon l’or noir.
Relations américano-japonaises
Bien évidement les relations entre Tokyo et Washington sont les plus tendues, les plus dures dans cette région du globe. Les deux pays combattent dans la même division pour le contrôle du Pacifique ce qui n’est pas le cas pour les autres puissances occidentales qui se contentent de défendre leurs colonies.

Le Commodore Perry
En 1853, l’escadre du commodore Perry force le Japon à sortir de son «splendide isolement». Ne voulant pas connaître le sort de la Chine, le Japon va se moderniser à marche forcée en associant comme on l’à vu technologies occidentales et valeurs traditionnelles.
Dans un premier temps, les relations sont plutôt cordiales. Les deux pays ne sont pas rivaux à la différence de la Russie et du Japon, rivaux en Mandchourie et en Sibérie. Mieux même les Etats-Unis font figure de modèle pour une partie de la jeunesse nippone.
Les relations commencent à se tendre au début du vingtième siècle. Des restrictions en matière d’immigration ont rendu le pays moins séduisant vis à vis de l’opinion japonaise.
De plus, Washington à servit de médiateur entre Pétrograd et Tokyo pour mettre fin à la guerre russo-japonaise et les plus nationalistes accusent les Etats-Unis d’avoir mutilé la victoire japonaise en l’empêchant de récolter tous les fruits d’une victoire éclatante tant sur terre que sur mer.
La conférence navale de Washington (novembre 1921-février 1922) n’arrange pas les choses, l’alliance américano-britannique oblige le Japon à abandonner son programme naval de 1917 (huit cuirassés et huit croiseurs de bataille) même si on peut se demander sérieusement si l’économie japonaise aurait eu les reins suffisamment solides pour achever ce programme alors que les américains plus puissants industriellement et économiquement ont été soulagés de ne pas avoir à achevé leur programme de juillet 1916 (dix cuirassés et six croiseurs de bataille).
Désormais il devient évident qu’un conflit entre les Etats-Unis et le Japon n’est qu’une question de temps. A plusieurs reprises notamment en raison du conflit sino-japonais et de plusieurs incidents impliquants les américains (notamment la destruction de la canonnière USS Panay le 12 décembre 1937 par l’aviation de l’Armée japonaise) on craint l’éclatement d’un conflit mais cela ne se passe pas probablement parce que les deux pays ne sont pas prêts.
Des plans sont bien dressés notamment côté américain (les fameux plan «Orange») avec l’idée d’une bataille navale décisive entre Okinawa et les Philippines mais comme chacun le sait «le plan est la première victime de la guerre» (Clausewitz), rien ne se passera comme prévu.
Point de bataille décisive décidant de l’issue du conflit, point de résistance courte des américains après le raid contre Pearl Harbor, point de paix négociée mais un conflit long, usant et terriblement meurtrier.
Quelque soit le plan, les deux pays s’entendent sur un objectif : les Philippines. Son contrôle est impératif pour sécuriser une avancée ultérieure (Japon) ou pour ne pas être totalement exclu de la région (Etats-Unis).
Colonie espagnole (après avoir été découverte par Magellan), les Philippines sont conquises par les américains à l’issue d’un conflit éclair entre une puissance agonisante (Espagne) et un jeune loup aux dents longues (Etats-Unis), une ancienne colonie qui devient colonisatrice à son tour.
La conquête est brève mais la pacification est longue, les Etats-Unis se rendant compte que coloniser n’est pas une chose si aisée.
Pièce maîtresse de la stratégie américaine dans le Pacifique, les Philippines auraient du bénéficier de moyens importants pour assurer leur défense or au contraire ces moyens sont chichement comptés jusqu’au début des années quarante quand enfin l’US Navy, l’US Army et l’USAAF se préoccupent de renforcer l’équipement et l’entrainement des forces armées présentes dans un pays qui devient indépendant en septembre 1945.
Cette indépendance est cependant très encadrée, le gouvernement américain disposant de pouvoirs importants notamment en matière de défense, de souveraineté monétaire et de politique étrangère ce qui fait ressembler le Commonwealth of Phillipina davantage à un protectorat qu’à une nation libre et indépendante.
Ce renforcement passe par l’augmentation des effectifs de l’armée de terre, un meilleur armement, un meilleur entrainement. Des chars sont mêmes envoyés dans l’archipel pour faire face à une potentielle utilisation par les japonais.
L’armée de terre philippine connait également une amélioration de ses capacités mais ne parviendra jamais à effacer un certain nombre de faiblesses structurelles (corruption, rivalités entre généraux, rivalités ethniques).
L’USAAF déploie des moyens supplémentaires plus performants et plus nombreux, les unités de chasse et de bombardement promettant de rendre la vie dure aux japonais.

Le USS Yorktown (CV-5) renforce les moyens de l’Asiatic Fleet
L’US Navy déploie un porte-avions et des croiseurs, la puissance de l’Asiatic Fleet n’ayant rien à voir en mars 1950 par rapport à ce qu’elle était en septembre 1939.
La conquête des Philippines est l’opération prioritaire de la phase I des forces japonaises. Il s’agit de défaire rapidement les forces américaines, de bloquer toute contre-offensive depuis l’est et dans l’idéal provoquer une «bataille décisive» entre cuirassés des deux pays.
La conquête va se faire en six mois (avril-octobre 1950), ne sera pas une promenade militaire et sera comme nous le verrons incomplète, des îles restant aux mains des américains soit autant de têtes de pont pour une future reconquête.
Même la conquête de la partie utile des Philippines sera in fine un échec car le contrôle japonais sera en réalité superficiel, les grandes villes et quelques grands axes, le reste restant largement insoumis.
Les opérations de nettoyage et leur cortège d’exactions ne faisant qu’aggraver la situation. C’est ainsi que les troupes d’occupation vont devoir être régulièrement renforcées alors que le haut commandement japonais avait espéré laisser une force moindre pour engager des troupes ailleurs notamment en Chine, en Birmanie ou en direction de la Nouvelle-Guinée et de la Nouvelle-Calédonie.
De plus les américains vont maintenir la pression sur l’archipel en utilisant ces «têtes de pont» conservées, alimentant une guérilla composés de philippins souvent opposés aux américains avant l’attaque nippone, de soldats américains isolés, inventant, imaginant leur propre culture de guérilla, renouant avec les petites guerres que connaissent si bien français et anglais, vieilles puissances coloniales.
A cette guérilla s’ajoutera l’action des sous-marins torpillant de nombreux navires japonais allant et venant des Philippines, l’aviation embarquée mais également les bombardiers basés à terre, rendant le contrôle japonais sur les Philippines incertains. Il faudra cependant près d’un an aux américains pour reprendre le contrôle de leur ancienne colonie.
«Option Nord» : les relations entre l’URSS et le Japon
Avant l’ouverture du Japon au monde, la Russie des Romanov était la puissance dominante en Extrême-Orient, profitant de la déconfiture de l’Empire du milieu, la Chine qui ne cessait de décliner. Il fallut quelques années pour que Tokyo devienne un rival pour Pétrograd dans cette partie du globe, un vraie partie d’échecs rappelant le Grand Jeu britannico-russe.
Très rapidement la rivalité eut la Chine comme théâtre d’opérations principal notamment la Mandchourie, riche province chinoise qui attirait bien des convoitises. Ses rivalités restèrent politiques et économiques jusqu’en 1904 quand éclata un conflit qui fit entrer le Japon dans le cercle des grandes puissances.
Pour la première fois, un pays occidental était battu dans un conflit régulier par un pays d’une race dite inférieure. Cette défaite eut des répercussions terribles notamment en Russie où il provoqua une première révolution, douze ans avant celle qui allait balayer une dynastie tricentenaire.
Alliés durant le premier conflit mondial, la Russie et le Japon n’entamèrent pas pour autant de rapprochement. Pire, la révolution d’octobre 1917 poussa la Russie en dehors du premier conflit mondial avant de provoquer une guerre civile abominable entre Blancs et Rouges.
Si les bolcheviks ne pouvaient compter que sur eux-mêmes, les Blancs bénéficièrent de l’aide des puissances occidentales, de la France, de la Grande-Bretagne, des Etats-Unis et du Japon. Tokyo va profiter de cette guerre fratricide pour renforcer son influence en Mandchourie et surtout en Sibérie. Il s’agissait également de rendre impossible toute menace russe contre les intérêts japonais en Chine voir contre le Japon lui même.
Les plus ambitieux voulaient faire de la Sibérie un état-tampon entre la Russie et le Japon, un glacis protecteur pour le pays du soleil levant. Comme souvent le gouvernement tergiversa avant d’accéder à la demande américaine d’envoyer des troupes dans l’Extrême-Orient russe.
En effet ce sont les américains qui firent entrer le loup dans la bergerie en demandant 7000 hommes au Japon, un contingent destiné à une force internationale de 25000 hommes destinée à secourir la légion Tchèque et récupérer du matériel de guerre stocké sur place.
Finalement, ce sont 12000 soldats japonais qui sont envoyés en Russie mais sous commandement national pour une mission bien différente de celle initialement envisagée. Jouant leur propre plan, les japonais restèrent bien après l’évacuation des troupes alliées (juin 1920) dans une intervention mal comprise et de plus en plus impopulaire au Japon.
Soumis à une intense pression diplomatique, à la défiance de l’opinion publique et au coût financier, le gouvernement japonais du évacuer son corps expéditionnaire en octobre 1922 après la mort de 5000 soldats et une dépense totale de 900 millions de yens
L’échec de cette expédition mal conçue et mal expliquée suscita un profond malaise et une baisse de crédits des militaires au près du pouvoir, baisse temporaire comme nous l’avons déjà vu.
En dépit de cet échec, un grand nombre de militaires japonais restèrent obsédés par la Russie puis l’URSS. Outre une menace ancienne s’ajoutait la peur panique du communisme qui justifia à partir de 1925 une politique de répression croissante contre tous les mouvements de gauche.
C’est ainsi que si les marins voyaient dans les Etats-Unis la principale menace, les terriens eux ne voyaient qu’un seul ennemi à savoir l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques, une double hémiplégie fatale pour le Japon en guerre.
Tout était prétexte à craindre une intervention soviétique y compris le soutien de Staline à Tchang-Kaï-Chek et ses pressions pour que le PCC soutienne ce gouvernement face notamment aux menées japonaises en Mandchourie puis dans le reste de la Chine.
Ces relations vont se dégrader au cours des années trente avec notamment des incidents frontaliers dans le nord de la Mandchourie et en Mongolie. Si le premier territoire est occupé par le Japon (l’empire du Mandchoukhouo), le second est sous influence soviétique.
Entre 1932 et 1934, le Japon enregistre 151 incidents mineurs à la frontière mandchoue, ce nombre augmentant encore en 1935 et 1936. Plus inquiétant, leur gravité augmente également avec notamment un premier véritable affrontement en janvier 1935 entre des cavaliers mongols et une patrouille de l’armée du Mandchoukouo,affrontement au cours duquel un conseiller militaire japonais est blessé.
Entre décembre 1935 et mars 1936, plusieurs autres incidents ont lieu, incidents qui voient l’engagement de véhicules blindés et mêmes d’avions. En juin 1937, une canonnière soviétique est coulée et une autre endommagée sur le fleuve Amour qui sépare la Chine de l’URSS mais ce qui aurait pu constituer un casus belli entre Tokyo et Moscou ne dégénère pas en conflit armé majeur.
Un nouvel incident à lieu entre le 29 juillet et le 11 août 1938. Cet incident à lieu au lac Khasan et repose visiblement sur une querelle de frontière hérités des empires russes et chinois à 120km au sud de Vladivostok. De violents combats ont lieu mais ne débouchent que sur un retour au status quo ante.
En dépit d’une «victoire» soviétique, les japonais estiment pouvoir s’entendre au détriment de l’URSS en Asie orientale.
Cette conviction va déboucher sur une véritable guerre non déclarée et la bataille de Khalkhin Gol (11 mai-16 septembre 1939) qui débouche sur une victoire soviétique décisive, victoire qui met à mal l’influence des partisans de l’option Nord qui avaient déjà du avaler la couleuvre d’une guerre contre la Chine, considérée par les «nordistes» comme un gaspillage de moyens en vue d’une opération contre l’URSS.
Résultat, le Japon va se tourner vers l’Asie du Sud-Est jugée plus accessible au point de signer un pacte de non-agression le 13 avril 1941.
Cela ne va pas empêcher le Japon de réaliser des plans d’attaque contre l’URSS, plans destinés à s’emparer de la Sibérie voir de l’Extrême-Orient soviétique.
Aucun plan détaillé n’à été retrouvé dans les archives (ou ce qu’il en restait après les bombardements américains) mais il semble que les objectifs étaient de s’emparer d’un territoire tampon en Sibérie, de la Mongolie et de l’Extrême-Orient soviétique jusqu’à Vladivostok pour priver la flotte du Pacifique soviétique d’une base majeure.
Ce pacte valable cinq ans est renouvelé en mars 1945 puis en mars 1951 alors que le Japon est en guerre contre les Etats-Unis et que l’URSS doit lutter contre l’invasion de son territoire par l’Allemagne. Tokyo et Berlin ne vont jamais coopérer pour favoriser leurs opérations respectives et l’URSS apparaît un temps comme un partenaire potentiel pour négocier une paix de compromis en Asie et dans le Pacifique.
L’attaque foudroyante en Mandchourie le 24 juin 1954 n’en sera que plus surprenante, permettant à l’URSS de s’implanter dans le nord de la Chine, permettant aux communistes chinois de retrouver des forces et de se préparer pour la reprise de la guerre civile. Les soviétiques vont également s’emparer d’une partie des Kouriles et de toute la presqu’île de Sakhaline, le sud étant occupé par le Japon depuis 1905.