Etats Unis (74) Aéronavale (1)

AERONAVALE

Avant-Propos

L’homme est ainsi fait, il est d’un naturel curieux et cherche toujours à savoir ce qui se passe derrière la colline ou pour l’océan au delà de l’horizon. Dès le début, des vigies furent installées au somment du ou des mats pour repérer l’ennemi mais leur action était limitée par le temps et la ligne d’horizon.

Bien évidement l’ajout d’instruments optiques associés à des calculateurs permettait d’augmenter les capacités des vigies mais cela reposait toujours sur l’œil humain avec encore et toujours cette ligne d’horizon.

La solution était le capteur déporté. L’apparition du plus léger que l’air à la fin du 18ème siècle semblait être la solution idéale mais la mise en œuvre de ballons statiques se révéla quasi-impossible en haute-mer en raison de conditions météorologiques rarement clémentes pour des vecteurs de reconnaissance aussi fragiles.

La solution semblait venir de l’aéronef, un appareil tout aussi fragile que le ballon ou le dirigeable mais qui semblait plus facile à mettre en œuvre. Plus facile à dire qu’à faire car l’avion avait besoin d’une plate-forme pour décoller et aterrir.

L’hydravion, croisement d’un avion et d’un bateau constitua un concurrent de taille et de poids pour l’avion. Il avait l’avantage de pouvoir être utilisé depuis un bateau de la taille d’un croiseur à l’aide d’une catapulte (à poudre puis hydraulique) et de pouvoir amerrir à proximité du navire ce qui posait là le problème de la récupération.

Si en temps de paix faire ralentir le navire porteur pour récupérer l’hydravion à la grue était possibile et faisable, cela l’était nettement moins en temps de guerre où un sous-marin en maraude pouvait torpiller un navire quasi-immobile. Quand à l’idée du tapis d’amerrissage trainé par un navire à l’arrière, cette idée se révéla une fausse bonne idée, inapliquable en haute-mer en temps de paix et a fortiori en temps de guerre.

En dépit de ces imperfections, l’hydravion constituait avec l’avion les vecteurs de reconnaissance et d’attaque des grandes marines mondiales. Si un temps l’hydravion dominait par son nombre (cas par exemple de notre Aviation Navale), les pays s’équipant de porte-avions augmentèrent progressivement le nombre de leurs avions au point que parfois leur nombre dépassait celui des hydravions.

Une histoire de l’Aéronavale américaine

L’acte de naissance de l’aéronavale américaine peut être fixé au 10 février 1908 quand un premier avion est acheté cinq ans après le premier vol des frères Wright.

Comme toute nouveauté, le scepticisme est général. Certes le capitaine de vaisseau Irving Chambers, ancien commandant du cuirassé Lousiana est chargé par l’US Navy de coordonner le développement de l’aéronautique navale le 26 septembre 1910 mais cela n’avance pas aussi vite que ses partisans le voudrait.

Le CV Chambers comprend rapidement que pour vaincre le scepticisme des amiraux il faut leur montrer qu’un avion peut décoller d’un navire. Les frères Wright refuse l’expérience mais Glen H. Curtiss accepte avec enthousiasme.

USS Birmingham decollage.jpg

On peut dire que l’aéronavale américaine est née le 14 novembre 1910 en baie d’Hamptons Roads, quand du croiseur Birmingham décolle depuis une plate-forme installée à l’avant l’aviateur Eugène Ely grâce à un biplan Curtiss.

La suite logique c’est d’atterir sur un navire, l’essai est tenté et réussi le 18 janvier 1911 quand Ely réussi à se poser sur le croiseur cuirassé Pennsylvania (futur Pitsburgh peu avant le début de la première guerre mondiale, les américains décident de réserver les noms d’états aux cuirassés et les noms de ville aux croiseurs).

Un concurrent de l’avion voit parallèlement le jour : l’hydravion inventé par un français, Henri Fabre qui effectue un premier décollage le 28 mars 1910 sur l’Etang de Berre près de Martigues.

Les américains ne sont pas en reste et lui emboîte le pas : Glen Curtiss installé des flotteurs à l’un de ses appareils. Il amerrit à côté du Pennsylvania en baie de San Diego le 17 février 1911 avant d’être hissé par le navire, remis à l’eau et de redécoller pour retourner à North Island.

La mise en oeuvre des appareils depuis un navire n’est pas simple : il faut mettre à l’eau et donc ralentir, le laisser décoller et repartir. L’idée d’un accélérateur voit rapidement le jour. Il ne s’agit pas d’une fantaisie d’ingénieur mais d’une adaptation du système employé par les frères Wright. Un premier essai échoue en partie le 31 juillet 1912 à Annapolis et il faut attendre la seconde tentative menée à Pensacola le 12 novembre 1912 pour qu’un hydravion à coque soit catapulté depuis une barge.

En 1913, le capitaine de vaisseau Mark Bristol remplace Chambers et une première base aéronavale (US Naval Air Station) est établie à Pensacola en Floride, peut être une forme de compensation pour la fermeture de l’arsenal qui à lieu en 1914. Le 1er juillet 1915, l’aviation américaine est officiellement reconnue avec la création d’un Office de l’aéronautique navale (Office of Naval Aeronautics).

Sa composante active est le Naval Flying Corps (NFC) qui opère dès 1914 au Mexique avant de participer au premier conflit mondial qui lui permet de connaître une croissance spectaculaire puisqu’elle ne disposait avant le 6 avril 1917 que de 54 appareils et moins de 300 hommes dont 48 pilotes.

A peine un an et demi plus tard en novembre 1918, le NFC dispose de trente-neuf bases dont vingt-sept en Europe, 37408 hommes dont 6716 officiers, 2107 aéronefs et 15 dirigeables.

Ces moyens importants ont été utilisés en Europe mais également en Méditerranée et en Adriatique pour des missions de reconnaissance, d’observation, de bombardement et de lutte anti-sous-marine.

Dans l’immédiat après guerre, les moyens sont sensiblement réduits temps de paix oblige mais de virulents débats ont lieu notamment sur la place de l’avion par rapport au cuirassé, l’avion étant considéré comme capable de couler un cuirassé, le rendant obsolète si on le croit leur figure de proue, le colonel William «Billy» Mitchell.

Billy Mitchell

Le colonel William « Billy » Mitchell

Ce dernier réclame la constitution d’une aviation indépendante ce à quoi s’oppose les amiraux américains qui dans les années vingt privilégient le développement du porte-avions conçu non pas comme un vecteur indépendant mais comme un auxiliaire, un soutien aux «Gros» _croiseurs de bataille et cuirassés_ censés triompher de leurs homologues ennemis.

Le 10 août 1921, un Bureau of Aeronautic (BuAer) est créé et placé sous la direction du contre-amiral William Moffett surnommé «l’amiral de l’Air». Ce bureau va développer le vecteur aérien de l’US Navy qui va suivre le même chemin que les autres marines à savoir le développement du porte-avions tout en poursuivant le développement des porte-avions ainsi que de l’aviation basée à terre en dépit de querelles d’usage et de préséance avec l’United States Army Air Corps (USAAC).

amiral William A. Moffett.jpg

En dépit des réductions liées au retour de la paix, l’US Naval Aviation dispose d’un millier d’appareils dans les années vingt passant à 2000 en 1938. Cette même année, le Naval Expansion Act prévoit 3000 appareils. Si la guerre de Pologne s’était prolongée il était prévu 4500 appareils en juin 1940 et 10000 en juillet 1942. Ces chiffres seront atteints bien sur et dépassés mais bien plus tard.

A la différence de la Grande-Bretagne mais comme la France et l’Allemagne (après des années de querelles), l’US Naval Aviation dispose d’avions embarqués, d’avions basés à terre et d’hydravions.

La première catégorie constitue l’élite, la pointe de diamant de l’aéronavale américaine. Elle est issue d’une lente et longue évolution partant de plate-formes installées sur des croiseurs ou des tourelles de cuirassés et aboutissant à la construction de porte-avions neufs toujours plus performants en passant par des conversions (Langley,Lexington et Saratoga).

Des porte-avions légers, moyens et lourds sont construits. En théorie, chaque groupe aérien est attaché à un porte-avions mais dans la pratique, les groupes aériens passent d’un porte-avions à l’autre en fonction des disponibilités sous réserve que le porte-avions puisse accueillir les avions du CAG.

Comme pour les autres marines disposant de porte-avions, l’US Navy embarque sur ses flattop, ses ponts plats des chasseurs, des bombardiers en piqué _utilisés également comme avions de reconnaissance_ et des avions torpilleurs.

Grumman F7F Tigercat 6

Grumman F7F Tigercat

Les porte-avions lourds de classe United States embarquent également des chasseurs bimoteurs Grumman F7F Tigercat utilisés pour l’interception à longue distance mais également la chasse-bombardement, imitant en cela les Marines qui disposent d’une version adaptée du F7F.

La seconde catégorie correspond à des unités de patrouille maritime, d’abord des bombardiers déclassés de l’USAAC puis des avions neufs qu’il s’agisse de bombardiers adaptés ou d’avions conçus dès l’origine pour ce rôle. Des avions d’attaque aéromaritimes sont également disponibles.

Enfin la troisième catégorie regroupe à la fois des hydravions de patrouille maritime basés à terre et des hydravions embarqués sur les cuirassés et les croiseurs pour mener des missions de reconnaissance, d’observation, de conduite de tir, de liaison et de récupération des aviateurs abattus.

L’US Naval Aviation et la Pax Armada

Evolution de la flotte des porte-avions

USS Langley (CV-1)

USS Langley (CV-1)

En septembre 1939, cinq porte-avions sont en service dans l’US Navy. Le USS Langley premier porte-avions de la marine américaine à été déclassé en 1937 comme ravitailleur d’hydravions, laissant les ex-croiseur de bataille Lexington et Saratoga, le petit porte-avions Ranger _premier porte-avions américain construit dès l’origine comme tel_, les deux Yorktown (Yorktown Enterprise) et une version réduite des Yorktown à savoir le Wasp, cette variante réduite s’expliquant par la nécessité de respecter les limites des traités.

USS Yorktown (CV-5) Hampton Roads 301037

Un autre porte-avions est alors en construction, un troisième Yorktown. Baptisé USS Hornet (CV-8) il est mis en service en mars 1942.

Suite à la construction du troisième et dernier Yorktown, les ingénieurs américains libérés des contraintes des différents traités (le second traité de Londres est pour ainsi dire mort-né, un véritable chiffon de papier) peuvent dessiner le porte-avions idéal, les futurs unités de classe Essex qui vont constituer l’épine dorsale de l’Aéronavale américaine durant le second conflit mondial et bien après, les porte-avions lourds de classe United States très performants étant également très coûteux ce qui limita à six exemplaires leur nombre.

USS Essex Hampton Roads 01021943
Six porte-avions sont commandés en juin 1940. Baptisés Essex (CV-9) BonHomme Richard (CV-10) Intrepid (CV-11) Kearsarge (CV-12) Franklin (CV-13) et Hancock (CV-14) ils vont être mis en service entre mars 1944 et juin 1946, remplaçant non pas le Langley mais les Lexington et Saratoga désarmés respectivement en septembre 1945 et mai 1946 (Ils ne sont cependant pas démolis mais maintenus en réserve, prêts à être réarmés en cas de conflit ce qui ne sera finalement pas le cas).

Si l’Essex et le Bonhomme Richard remplacent les deux premiers vrais porte-avions américains, que les Kearsarge et Franklin remplacent les Ranger et Wasp déclassés au rang de porte-avions école et transport d’avions, les Franklin et Hancock permettent l’augmentation de la flotte de ponts-plats américains.

Suite aux victoires japonaises en Chine et à la guerre civile allemande (1943), l’US Navy obtient dans le cadre d’un grand programme naval la commande de six nouveaux Essex qui vont permettre le renforcement de la flotte. Ces navires sont baptisés USS Randolph (CV-15) USS Cabot (CV-16) USS Bunker Hill (CV-17) USS Oriskany (CV-18) USS Ticonderoga (CV-19) et USS Bennington (CV-20), mis sur cale début 1944 et mis en service entre fin 1947 et l’été 1948.

Résultat quand le second conflit mondial éclate en Europe, la Carrier Fleet de l’US Navy à fière allure avec trois Yorktown et douze Essex soit quinze porte-avions auxquels on peut ajouter les porte-avions écoles Ranger et Wasp utilisés pour des patrouilles ASM dans l’Atlantique plus les Lexington et Saratoga dont le réarmement est étudié puis abandonné en raison de leur mauvais état.

Ils sont rayés des registres en mars 1949 et pour compenser leurs noms sont réattribués à deux nouveaux porte-avions lourds de classe United States.

Après la commande de six nouveaux Essex, le BuShips envisage de nouveaux porte-avions plus gros et mieux protégés, inspirés des Illustrious britanniques. Le pont blindé fait l’objet d’intense débats et la commande de deux porte-avions de 45000 tonnes est repoussée par le président Linbergh au printemps 1945.

En septembre 1945, la demande pour six nouveaux Essex est repoussée, le Secrétaire à la Navy échouant à convaincre Charles Linbergh de l’utilité d’augmenter encore la flotte de porte-avions de l’US Navy.

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C’est la révélation d’un plan japonais pour douze nouveaux porte-avions qui débloque la situation avec la commande en juin 1946 de deux porte-avions lourds de 45000 tonnes baptisés United States (CV-21) et Constellation (CV-22) et de six porte-avions de classe Essex, les USS Boxer (CV-23) USS Belleau Woods (CV-24) USS Crown-Point (CV-25) USS Tripoli (CV-26) USS Antietam (CV-27) et USS Valley Forge (CV-28).

Quand la guerre éclate en septembre 1948, les deux porte-avions lourds sont sur cale tout comme quatre des six Essex, les Antietam et Valley Forge n’étant mis sur cale qu’en septembre 1949.

Comme souvent la machine s’emballe et le programme de guerre décidé en avril 1950 suite à l’attaque japonaise voit la commande de quatre nouveaux porte-avions lourds de classe United States (Lexington Saratoga Langley Franklin D. Roosevelt)

Le choix de ce dernier nom provoqua de nombreuses polémiques, rapidement éteintes puise que les deux derniers United States allaient être rebaptisés Yorktown et Enterprise pour rendre hommage à ces deux porte-avions coulés par les japonais.

Six porte-avions de classe Essex (CV-45 à CV-50) sont également commandés ce qui pourrait à terme porter la flotte de porte-avions américains à six United States, trois Yorktown et surtout vingt-quatre Essex soit un total de trente-trois porte-avions de première ligne.

Ces porte-avions sont baptisés Reprisal (CV-45) Kitty Hawk (CV-46) Veracruz (CV-47) Lake Champlain (CV-48) Shangri-La (CV-49) et Leyte (CV-50) mais certains seront rebaptisés pour rendre hommage à des unités perdues au début du conflit.

HMS Colossus (R-15)

HMS Colossus. La Classe Colossus à clairement inspiré les Independence américains

Et ce n’était pas fini puisque l’US Navy informée de l’utilisation de porte-avions économiques par la France et la Grande-Bretagne (sans compter les pays ayant acquis des Colossus comme les Pays-Bas et l’Argentine) accepte la proposition de Kaiser pour construire un grand nombre de porte-avions économiques inspirés des Colossus même si les Independence ne sont pas à proprement parler de simples «American Colossus».

Six puis douze navires sont commandés dès le mois de janvier 1949 suivit de deux autres pour l’exportation, l’un pour le Brésil et le deuxième pour le Chili, une clause dans le contrat permettant si besoin à l’US Navy de récupérer ces navires.

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